Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T6.djvu/55

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s’étoient évanouis comme une ombre. Emilie auroit pu déplorer son sort sans le souvenir de ses crimes ; elle déploroit celui de la tante infortunée, et le sentiment de ses malheurs absorboit celui de ses fautes.

D’autres pensées, d’autres émotions, succédèrent à mesure qu’Emilie se rapprochoit des scènes si bien connues de ses premières amours ; elle considéroit que Valancourt étoit perdu pour elle et pour lui-même. Elle arriva au sommet de la montagne d’où, en partant pour l’Italie, elle avoit dit adieu à ce bien-aimé paysage ; elle en avoit parcouru, avec Valancourt, les bois et les prairies ; il devoit l’habiter encore, lorsqu’elle alloit être menée si loin. Elle revit cette chaîne des Pyrénées qui entouroient la Vallée, et qui s’élevoient à l’horizon comme de légers nuages. La Gascogne s’étend à leurs pieds, s’écria-t-elle ; ô mon père ! ô ma mère ! La Garonne y passe aussi, ajoutoit-elle en répandant des larmes ; et Toulouse ! et la demeure de ma tante ! et les bosquets du jardin ! Ô mes bien-aimés parens, êtes-vous pour toujours perdus pour moi ? ne dois-je donc jamais vous revoir ? Elle continua de pleurer jusqu’à ce qu’un détour inattendu de la route, qui faillit renverser la voiture, lui eût fait découvrir