Page:Ramayana trad Hippolyte Fauche vol2.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lune tombée dans la gueule de Râhou. Prahasta se mit à calmer doucement le monarque irrité des Rakshasas et fit rentrer dans le fourreau son glaive, qu’il tenait à la main. Ramené dans sa nature, le terrible souverain se rasséréna, tel que la mer au temps où ses flots, revenus au calme, sont rentrés dans ses rivages.

Les grands demeuraient là, formant un cercle autour du trône, où Râvana se tenait assis : tel que le hallo de la lune, merveilleux et beau spectacle ! telle silencieuse resplendissait alors cette couronne de ministres. Ensuite, le vertueux Vibhîshana éteignit en lui-même le feu allumé de la colère et chercha dans sa pensée quelle marche son bien lui prescrivait d’observer. Doué de mansuétude et brillant d’une grande force morale, il suivit sans la franchir, comme un généreux coursier, la ligne que lui traçaient les inspirations de sa noble race. Quand il eut réfléchi un instant, pris, quitté et repris une résolution, Vibhîshana se levant tint alors ce langage dicté par le devoir :

« Les affections de mon âme sont pour le devoir et ne sont pas nommées de l’amour ou de la colère. Ce coup de pied n’est donc pas un bien grand malheur à mes yeux. Dans ce monde, ceux qui sont vraiment à plaindre, ce sont les grands pécheurs, qui ont déserté le devoir et qui, en dépit de leur auguste naissance, ont asservi leurs âmes à la colère. Toutes vos excellences ont embrassé les opinions de cet homme, et c’est un malheur, où je vois le grand signe d’une catastrophe universelle.

« Une flèche ne peut tuer qu’une seule vie sur le champ de bataille. Mais la pensée d’un roi à l’esprit aveuglé fait périr et lui-même et tout son peuple. La meilleure des flèches à la pointe acérée ne cause pas autant de mal que