Page:Ramayana trad Hippolyte Fauche vol2.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

bataille ce qu’est au milieu des eaux un navire qui a perdu son gouvernail. Au contraire, cette armée, pleine d’ardeur, sans trouble, ses légions en bon ordre, garde ici le Kakoutsthide, étendu sur le champ de bataille.

« Fais attention, Mithilienne, à cet indice ; il est bien grand : ces deux héros ont perdu le sentiment, et cependant la beauté ne les a pas encore abandonnés. Ce n’est pas ce qu’on voit ordinairement ; car le visage des hommes qui ont rendu le dernier soupir et dont l’âme s’est enfuie, inspire à tous les yeux une insurmontable aversion. Secoue, fille du roi Djanaka, secoue ce chagrin et cette douleur, qu’a jetés dans ton âme ce triste aspect de Râma et de Lakshmana : ils n’ont pas, ces deux héros, perdu la vie. »

Semblable à une fille des Dieux, Sîtâ joignit les mains et répondit encore affligée à ces paroles de Tridjatâ : « Puisse-t-il en être ainsi ! »

Là, dans ce bosquet délicieux, l’épouse du monarque des hommes ne put goûter de joie au souvenir de ces deux princes, qu’elle venait de contempler étendus sur le champ de bataille ; car cette vue l’avait blessée au cœur, telle qu’une jeune gazelle, par une flèche empoisonnée.


Après beaucoup de temps écoulé, l’aîné des Raghouides, quoiqu’il fût tout criblé de flèches, reprit enfin sa connaissance, grâce à sa durabilité, grâce à l’union d’une plus grande part de l’âme divine dans sa nature humaine.

Il tourna d’abord ses regards sur lui-même, et, se voyant inondé de sang, il gémit et des larmes lentes coulèrent de ses yeux. Mais, quand il vit Lakshmana tombé près de lui, alors, saisi par la douleur et le chagrin, désespéré, il prononça d’un accent plaintif le nom de sa