Page:Rambert - Études littéraires, t2, 1890.djvu/290

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traînent dans une certaine direction toute la France qui lit et qui écrit. Mais dès lors les influences dissolvantes ont régné presque sans partage, de sorte que la France s’est trouvée, il y a vingt-cinq ou trente ans, celui des grands pays de l’Europe où il était le moins facile de decouvrir une idée généralement acceptée et qui pût servir de point de ralliement aux individualités divergentes. Ce fait, malai- sément contestable, domine depuis trop longtemps toute l’histoire littéraire et politique de ce grand et malheureux pays. En religion : deux masses irréductibles, l’une crédule, l’autre incrédule. En politique : des partis inconciliables, assez forts pour se neutraliser mutuellement, et une masse flottante qui se range sous un gouvernement, comme on se met à l’abri sous un toit, en temps d’orage. Çà et là quelques individualités marquantes : beaucoup d’hommes qui parlent bien, peu qui pensent avec originalité. Le peuple de la campagne honnête et laborieux, mais ignorant ; les classes ouvrières travaillées par la démagogie sociale ; la petite bourgeoisie, économe, intelligente, industrieuse, mais inquiète, peureuse, effarée ; la haute bourgeoisie, l’aristocratie financière possedée par la fièvre des affaires et la soif de jouir, avide et frivole ; la vieille aristocratie annulée, impuissante, attendant un messie qui porte un drapeau blanc… que reste-t-il dans ce desarroi général des idées et des convictions, dans cette absence de foi