Page:Rambert - Études littéraires, t2, 1890.djvu/289

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la cause de la poésie et celle de la révolution une solidarité de plus en plus étroite et il habituait le public à ne point les séparer. La poésie parut d’abord y avoir beaucoup gagné ; ce fut, certainement, une des raisons de sa popularité graridissante avant et après 1830. Mais lorsque, apres la révolution de 1848, plus décevante que toutes celles qui l’avaient précédée, la France, effrayée des journées de Juin et lasse d’un parlementarisme impuissant, se jeta entre les bras d’un sauveur — d’un sauveur quelconque, le premier qui lui tomba sous la main — la réaction politique fut accompagnée d’une réaction littéraire. On se dégoûta du romantisme, des théories et des lieux-communs retentissants. On n’eut plus qu’une ambition, qui était de vivre tranquille sous un gouvernement régulier et glorieux, ce qui obligeait, sans doute, à faire de temps en temps quelque campagne de Crimée ou du Mexique ; mais on préférait ce luxe coûteux à une incertitude et à des convulsions de tous les jours.

Ces faits et d’autres encore ne sont que des symptômes d’un état maladif general, incompatible avec un déploiement puissant de I’activité poétique. Pour avoir une poésie nationale florissante, il faut avoir une nation d’abord, je veux dire une nation moralement unie par quelque sentiment commun d’ordre superieur. C’était ce qui manquait le plus. Au xviie et au XVIIIe siècles, certains courants d’opinion en-