Page:Rambert - Études littéraires, t2, 1890.djvu/305

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ployée nulle part avec plus de bonheur et de magnificence que dans le morceau où il a tenté de peindre la caravane des éléphants en voyage dans le désert. Les premiers traits, qui dessinent l’horizon, manquent peut-être de cette netteté facile si chère à l’esprit francais. C’est le seul défaut de la pièce. Là-bas, a I’infini, dans les vapeurs cuivrées, habite l’homme. Tout est muet dans le désert : nulle vie, nul bruit. Les lions dorment, le boa dort sur le sable chaud. Le ciel est clair et I’espace enflammé. Le soleil veille seul à cette heure où tout ce qui vit cherche l’ombre et le repos. Il est seul en scène ; seul, il remplit le paysage. L’air est lumineux sans être transparent ; on dirait un hâle de feu. Soudain l’on voit apparaître un point noir, qui marche et s’approche. Ce sont les éléphants qui s’acheminent en colonne et retournent au pays natal. Ils s’avancent en ligne droite, dédaigneux des obstacles, et faisant crouler les dunes sablonneuses sous leur pied large et sûr.


Celui qui tient la tête est un vieux chef. Son corps
Est gercé comme un tronc que le temps ronge et mine ;
Sa tête est comme un roc, et l’arc de son échine
Se voûte puissamment à ses moindres efforts.

Sans ralentir jamais et sans hâter sa marche,
Il guide au but certain ses compagnons poudreux ;
Et, creusant par derrière un sillon sablonneux,
Les pèlerins massifs suivent leur patriarche.

L’oreille en éventail, la trompe entre les dents,
Ils cheminent, l’œil clos. Leur ventre bat et fame,