Page:Rambert - Études littéraires, t2, 1890.djvu/308

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port, du commerce et mille autres choses insupportables ; il ira promener sa mélancolie dans les forêts du nouveau monde ; il lui faut la nature vierge. Mais la nature vierge ne suffit pas à Leconte de Lisle, ce dernier rêveur, de plus en plus degoûté, qui fait profession de croire que toutes les civilisations actuelles ne sont, comme on l’a dit, que des variétés de décadence. Sur les bords du Niagara, il pourrait rencontrer des peaux-rouges : il lui faut la jungle et la panthère noire, le désert et les éléphants. Sa nature à lui sera la nature primitive, rebelle ou antérieure à la présence de l’homme.

La fuite, vous le voyez, est graduelle ; on se sent toujours trop près, et l’on s’enfonce toujours plus loin. En est-ce au moins la dernière étape ? Les éléphants ne seront-ils suspects d’aucune decadence ? N’auront-ils point encore quelque ressemblance funeste avec l’homme, leur frère cadet ? Hélas ! sans doute, les éléphants sont trop humains. Mais qu’y a-t-il par delà les éléphants ? Les mastodontes dont parle la géologie, les ichthyosaures ? Messieurs, quand une fois on en est là, on ne s’arrête plus en si beau chemin, et l’on va au terme fatal, qui est le néant. Personne ne sera surpris de voir cette poésie, qui commence par la glorification d’Hypatie, la belle vierge païenne, et qui recule progressivement du primitif au plus primitif, finir par un saut désespéré dans la nuit. L’avant-dernière pièce de cette légende