Page:Rambert - Études littéraires, t2, 1890.djvu/314

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y a parfois dans cette poésie et dans cette versification de téméraire, de tendu, de calculé ; mais ce qui doit passer passera, et il n’en restera pas moins, pour la poésie frangaise, un enrichissement considérable, car ces conquêtes-là sont de celles qui se transmettent.

En revanche, on ne se souviendra que comme d’une curiosité historique des préventions de l’art à I’impassibilité. Pour montrer ce qu’elles valaient il a suffi de la guerre de 1870. Les impassibles ont été les premiers à crier, et l’on a vu naître par milliers les élucubrations vengeresses dans lesquelles ce qui manquait le plus était la sérénité olympienne. Leconte de Lisle a jeté sa note dans ce concert douloureux sans que sa gloire y ait beaucoup gagné. Et, en général, cette sanglante tragédie a pauvrement inspiré la muse des vaincus. Mais il n’était pas besoin de cette expérience pour savoir que l’impassibilité n’est possible que dans l’absence de toute passion. Et cela seul la condamne, car enfin le cœur humain n’a pas été fait pour battre machinalement, comme le pendule, toujours avec la même vitesse et la même régularité mathématique. Et Leconte de Lisle en est lui-même la preuve. Dans le temps où il a débuté, on a pu croire qu’il ne faisait que de l’art. Mais à chaque publication nouvelle, on a senti déborder l’amertume. Est-ce un jeu que ces anathèmes toujours plus frémissants ? Si c’est un jeu, tant pis