Page:Rameau - La Vie & la Mort, 1888.djvu/10

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« Allez, houle de feu, dans la nuit misérable !
Et faites-y la joie ! et faites-y le jour !
Et lancez jusqu’au fond de l’incommensurable
Des jets vertigineux de lumière et d’amour !

« Et que tout sur vos flancs brille, exulte, prospère,
Et que tout soit content, soit heureux, soit béni
Et chante à jamais : « Gloire au Créateur, au Père,
Au Semeur de soleils qui peupla l’infini ! »

Et les astres alors partirent, lourds de vie,
Tourbillonnant aux pieds du Créateur serein,
Comme en un désert plat que Juillet torréfie
Des grains de sable obscurs aux pieds d’un pèlerin.

Et tous brillaient, et tous chantaient, et sans entraves,
Gravitant sur leur axe inébranlable et sûr,
Avec leurs milliards de voix fières et graves,
Poussaient un hosanna monstrueux dans l’azur !

Et tout était bonheur, justice, beauté, force !
Et chaque astre entendait ses êtres radieux
Couvrir de chants d’amour sa maternelle écorce
Et tous bénir la Vie ! et tous bénir les Cieux !


Or, quand il eut vidé sa besace d’étoiles,
Quand de globes de feu tout le noir fut jonché,
Le Semeur vit au fond du sac, entre deux toiles,
Un tout petit morceau de soleil ébréché.