Page:Rameau - La Vie & la Mort, 1888.djvu/11

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Et, distrait, sans savoir quelle sphère inconnue
Tournoyait incomplète en l’espace vermeil,
Le Créateur, d’un souffle, envoya dans la nue
Rouler cette parcelle infime de soleil.

Puis, montant tout là-haut, sur son trône écarlate,
Par-dessus le brouillard des mondes qu’il jeta,
Comme un grand roi doré dont l’œil fier se dilate,
En oyant bruire au loin son peuple, il écouta.

Il entendit l’immense allelluia des choses !
Il entendit des chœurs de globes florissants
Entonner, éperdus, des chants d’apothéoses
En lui noyant les pieds de nuages d’encens !

Il vit l’éternité palpitante d’extases,
Il vit, dans une intense et profonde clameur,
L’orgue de l’univers hennir d’ardentes phrases
Pour fêter à jamais le triomphal Semeur !

Mais soudain il pâlit. De cette mer astrale,
Une plainte montait sourdement vers les cieux,
Montait, enflait, croissait, dominant de son râle
Toute l’ovation du firmament joyeux.

C’était l’atome obscur de la sphère ébréchée !
C’étaient les êtres vils restés sur ce débris,
Pleurant l’Étoile Mère incessamment cherchée
Et toujours introuvable en ce coin de ciel gris.