Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/133

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A de plus grands excès leur sexe les entraîne.
— Comment Césennia, citée à tout propos,
Aux yeux de son époux est-elle sans défauts ?
—Comment ! c’est pour sa dot qu’il la trouve si sage :
Un million comptant vaut bien un tel hommage.
Oui, si d’un trait de flamme il fut jamais blessé,
Ce trait par Cupidon ne lui fut point lancé,
Il part du coffre-fort : à ce prix il l’admire,
La laisse librement tout entendre et tout dire,
Et ne s’offense pas de la voir chaque jour
Lire des billets doux, en écrire à son tour.
Près d’un époux avare, heureuse en mariage,
Une femme opulente a les droits du veuvage.
— Pourquoi Sertorius, toujours plus amoureux,
Est-il pour Bibula si constant dans ses feux ?
— Si tu veux réfléchir à cet amour extrême,
Ce n’est point Bibula, c’est sa beauté qu’il aime.
Que l’émail de ses dents perde de sa blancheur,
Ses yeux de leur éclat, son teint de sa fraîcheur :
Qu’une ride survienne, et que ce beau visage,
Des ans, par quelque trace, annonce le ravage :
Allons, viendra lui dire un impudent laquais,
Vite pliez bagage et faites vos paquets.
Depuis assez longtemps vous nous êtes à charge :
Plus de délais, vous dis-je, et qu’on gagne le large.
Vous êtes si ridée ! et vous vous mouchez tant !
Partez : un nez plus sec nous arrive à l’instant.
Belle et jeune, elle règne : et, dès qu’elle demande,
Il faut qu’à tous ses vœux son époux condescende,
Qu’il lui donne des prés, des vignes et des bois ;
Qu’un nombreux domestique obéisse à ses lois ;
Que, s’il est chez quelque autre un meuble de toilette,
Un bijou qui lui manque, à l’instant on l’achète.
Même au mois de janvier, lorsque d’un long hiver
Les frimes aux marchands ont interdit la mer ;