Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/147

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Le voici, Posthumus ; la médiocrité
Jadis de tout péril sauvait la chasteté ;
Et si le Latium eut des femmes pudiques,
Les veilles, le travail, les besoins domestiques,
Annibal sous nos murs plantant ses étendards,
Les maris nuit et jour debout sur les remparts,
Voilà ce qui d’un peuple, armé pour sa défense,
Sous le chaume longtemps conserva l’innocence.
Maintenant accablés du plus grand des fléaux,
D’une trop longue paix nous subissons les maux.
Le luxe, les plaisirs, plus cruels que la guerre,
Ont enfin subjugué les maîtres de la terre :
Ils ont vengé le monde ; et le Tibre indompté
A vu fuir ses vertus avec sa pauvreté.
Rhodes et Sybaris, et Milet et Tarente
les roses, les festins, l’ivresse pétulante,
Apportant parmi nous des exemples impurs,
De la ville aux sept monta ont infecté les murs.

Infâme argent ! c’est toi qui, servant la mollesse,
De nos antiques mœurs énervas la rudesse !
C’est toi qui dans le sein d’un peuple de bergers
Répandis ce torrent de vices étrangers !
Et quels excès craindrait de commettre une femme,
Lorsqu’au milieu des nuits, dans une orgie infâme,
Elle peut, sans horreur, mêlant, confondant tout,
Des plus sales plaisirs affronter le dégoût,
Et que, d’huîtres gorgée, invoquant les bacchantes,
D’un falerne arrosé d’essences enivrantes,
Elle boit jusqu’à l’heure où les flambeaux doublés,
Se lèvent en tournant à ses regards troublés ?
Eh bien ! doute à présent des exploits de Tullie,
Des discours qu’elle tient à sa chère Julie,
De ses gestes lascifs, de son rire moqueur,
Quand elle voit l’autel de l’antique Pudeur !
C’est là que, dans la nuit, leur litière s’arrête :