Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/175

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Alors comme égaré dans la nuit la plus noire,
Il n’aperçoit plus rien, il n’a plus de mémoire ;
Heureux s’il n’en vient pas jusques à la fureur,
Comme ce forcené, ce féroce empereur
A qui Césonia, par un secret breuvage,
Inspira tout à coup moins d’amour que de rage.
Ce qu’une impératrice a bien osé tenter,
Quelle femme aujourd’hui craindra de l’imiter ?
L’empire était en feu : tout allait se dissoudre :
Ou eût dit que Junon, du maître de la foudre
Venait de déranger le sublime cerveau.
Certes, le champignon qui mit Claude au tombeau,
N’a point d’un tel désastre effrayé nos murailles ;
D’un infirme vieillard déchirant les entrailles,
Il n’a fait que hâter son destin glorieux,
Et le précipiter à la table des dieux.
Mais l’oncle de Néron, altéré de carnage,
A peine du poison a senti le ravage,
Il brûle, il assassine et des petits, des grands,
Pêle-mêle égorgés, le sang coule à torrents.
Voilà l’effet cruel d’une coupe amoureuse !
Voilà les maux produits par une empoisonneuse !


Que d’une concubine, objet de sa fureur,
Une épouse trahie ait le sang en horreur :
J’y consens ; c’est l’usage ; et sa haine jalouse
Peut même ôter la vie au fils d’une autre épouse ;
Mais toi, riche pupille, à ses soins confié,
C’est toi que j’avertis ; crains sa fausse amitié ;
Crains la coupe, les mets apprêtés par ta mère ;
Que ta bouche jamais n’y touche la première,
Et qu’un tuteur tremblant entre elle et toi placé,
Goûte d’abord le vin qu’elle t’aura versé.

Loin du sentier battu per nos vieux satiriques,
Je poursuis, diras-tu, des monstres chimériques ;
Je chausse le cothurne, et rhéteur boursouflé,