Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/187

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Si, lorsque, s’élançât au milieu des hasards,
Il veut peindre les dieux, leurs coursiers et leurs chars,
Ou l’horrible Erinnys, d’un accent plein de rage,
Du superbe Turnus étonnant le courage,
Le besoin d’un habit réprimant son transport,
De son esprit tendu vient briser le ressort ?
Virgile, sans esclave, en proie à l’indigence,
De sa fière Gorgone excitant la vengeance,
Eût-il d’affreux serpents hérissé ses cheveux,
Et, comblant de limon les implacables vœux,
Le bruit sourd du cornet qui sema tant d’alarmes,
Eût-il fait accourir tant de peuples en armes ?
Et l’on veut que Lappa, plein d’une noble ardeur,
Rende au cothurne grec son antique splendeur,
Lui qui, pour subsister, comptant sur son ouvrage,
Emprunte sur sa toge et met sa coupe en gage !
Pour venir au secours du poète indigent,
Numitor, son ami, n’a point assez d’argent ;
Mais à Quintilia prodiguant les largesses,
Il en a bien assez pour payer ses tendresses ;
Il en a bien assez pour nourrir à grands frais,
Ce lion que pour lui l’on dompta tout exprès.
En effet, un lion, quelque prix qu’on l’achète,
Coûte moins, et surtout mange moins qu’un poète !

Que le riche Lucain, dans ses jardins pompeux,
Vive heureux de l’honneur qui suit un nom fameux ;
Qu’importe à Rubrenus une gloire éclatante,
Si de la gloire seule il faut qu’il se contente ?
Au public amoureux de ses brillants concerts,
Pour un jour désigné, Stace a promis ses vers.
Rome est dans l’allègresse et, de plaisir avide,
La foule impatiente attend sa Thébaïde :
Tant le chantre divin, par un charme vainqueur,
Sait, en flattant l’oreille, arriver jusqu’au. cœur !
Mais ces cris convulsifs d’un public idolâtre,