Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/219

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Cyané vive et leste apporte une bouteille.

Et nous, me dira-t-on, n’avons-nous point aussi
Partagé les écarts que je condamne ici ?
— D’accord ; mais avec l’âge on change de conduite.
Ce dont il faut rougir ne peut passer trop vite,
Et la première barbe, amenant la raison,
Devrait de nos erreurs abréger la saison.
Qu’on passe quelque chose aux fautes de l’enfance,
Je le veux ; mais quels droits a-t-il l’indulgence,
Ce vil Damasippus, l’opprobre des Romains,
Nuit et jour fréquentant la taverne et les bains,
A l’âge où dans la Thrace, aux champs de la Syrie,
Son bras devrait venger Néron et la patrie ?
Ne va point, ô Néron, pour guider tes drapeaux,
Sur l’Oronte ou lister chercher des généraux :
Envoie au cabaret ; c’est là qu’on les rencontre ;
C’est là qu’en tout son jour leur noblesse se montre,
Au milieu d’assauts, de bateliers, d’escrocs,
D’esclaves fugitifs, de voleurs, de bourreaux,
De Luperques impurs, de misérables Galles
Étendus et ronflant auprès de leurs cymbales.
Là, même liberté, mêmes droits pour chacun ;
Là, les coupes, les mets, les lits, tout est commun.
Dis-moi, que ferais-tu d’un esclave semblable ?
Justement irrité contre un tel misérable,
Ne l’enverrais-tu pas à ta maison des champs,
Expier dans les fers de si honteux penchants ?
Mais vous, fils d’Ilion, indulgents pour vous mêmes,
Vous vous les pardonnez ces désordres extrêmes,
Et ce qu’en un vil peuple on blâme avec rigueur,
Scaurus n’en rougit pas ; Brutus s’en fait honneur !

Que dire, si ces mœurs ne sont pas si honteuses
Que je n’en puisse encor citer de plus hideuses ?
Damasippe au théâtre a mis sa voix à prix :
Il s’est fait dans le Spectre admirer par ses cris :