Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/235

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Je le veux : mais peux-tu négliger un client,
Un ami généreux dont le zèle t’honore,
Et sans qui l’on verrait ta femme vierge encore !
Tu sais combien de fois à mes pieds tu t’es mis ;
Comment tu m’as prié, ce que tu m’as promis :
Dans mes bras caressants, moins triste, moins plaintive,
Souvent j’ai retenu ta moitié fugitive ;
Elle avait déchiré l’acte de votre hymen :
Un autre était dressé ; j’ai détourné sa main.
A peine, dans le cours d’une nuit tout entière
J’ai de son cœur aigri calmé la haine altière,
Tandis que sur le seuil, toi, tu versais des pleurs.
J’en atteste et son lit, témoin de nos ardeurs,
Et ses tendres élans que tu pouvais entendre.
Mille fois, prévenant une fâcheuse esclandre,
Au moment du divorce, un client vigoureux,
D’une chaine rompue a resserré les nœuds.
Que vas-tu me répondre ? Et qu’elle est ta défense ?
N’est-ce donc rien, ingrat, d’avoir, par complaisance,
D’une fille ou d’un fils enrichi ta maison ?
Tu l’élèves pourtant, tu lui donnes ton nom,
De ta virilité c’est l’heureux témoignage,
Et les actes publics te rendent cet hommage.
Allons, orne de fleurs ton portique étonné ;
Te voilà père enfin ; mes soins t’ont couronné ;
Ils t’ont mis à couvert des traits de la satire ;
Sur tous les testaments tu peux te faire inscrire,
Tu peux hériter seul, sans compter d’autres droits,
Si je porte tes fils au nombre heureux de trois.
—Ta plainte, Névolus, est juste et m’intéresse :
Mais, lui, que répond-il à ces mots ? —Il me laisse,
Et dans ce noble emploi me cherche un successeur.
Au reste, le secret que je verse en ton cœur,
Qu’à jamais pour tout autre il soit impénétrable :
De ces gens épilés la rage est implacable.