Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/237

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Que l’un d’eux sur ses goûts ait osé s’expliquer :
A l’instant, comme si j’allais le démasquer,
Il s’emporte, il me hait, et, si rien ne l’arrête,
Il me poignardera, me brisera la tête,
Viendra, la torche en main, embraser ma maison,
Ou, n’importe à quel prix, trouvera du poison.
Retiens donc pour toi seul le secret de mes peines,
Et sois aussi discret que les juges d’Athènes.

— Corydon ! Corydon ! quel riche a des secrets !
Ne fût-il entouré que d’esclaves muets,
Ses chevaux et son chien tromperaient sa prudence ;
Ses marbres parleraient. Ordonnez le silence,
Fermez porte et fenêtre ; abaissez les rideaux,
Éloignez tout le monde, éteignez les flambeaux ;
Ce qu’il faisait à l’heure, où, de son cri sonore,
Pour la seconde fois, le coq prévient l’aurore,
Avant qu’il soit grand jour, de maint propos malin
Aura fourni le texte au cabaret voisin ;
On y répétera ce qu’aux faits véritables,
La cuisine et l’office auront mêlé de fables.
Quel mensonge en effet, quelle méchanceté,
N’invente pas souvent un esclave irrité,
Lorsque, le dos encor meurtri des étrivières,
Il croit, en médisant, se venger des lanières ?
Quelques-uns, pleins de vin, au coin des carrefours,
S’en viendront t’enivrer de tous leurs sots discours.
C’est à de tels causeurs qu’il faut que tu demandes
Le silence profond que tu me recommandes ;
Mais ne te flatte pas d’arrêter leur caquet ;
Répandre de faux bruits, divulguer un secret,
Est plus doux mille fois pour tout ce peuple traître,
Que d’aller dans un bouge, aux dépens de son maître,
Boire furtivement d’un vin qu’il lui vola
Plus qu’en sacrifiant n’en buvait Saufella.

Si pour mille motifs il convient d’être sage,