Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/251

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De ses prospérités es-tu jaloux encore ?
Voudrais-tu, comme lui, voir chez toi, dès l’aurore,
Se presser à l’envi des flots d’adulateurs ;
Forcer l’orgueil des grands à briguer tes faveurs ;
A l’armée, au sénat, seul dispenser les places ;
Seul, au nom de César, distribuer les grâces,
Et parmi ses devins, gouverner dans sa cour,
Le prince dont Caprée est l’auguste séjour ?
Sans doute tu voudrais, de nombreuses cohortes,
De nobles chevaliers, voir un camp à tes portes.
C’est une ambition qu’il est permis d’avoir ;
Sans aimer à tuer, on aime à le pouvoir.
A quoi bon cependant cette brillante pompe,
Ce faste dont l’éclat nous séduit et nous trompe,
S’il est vrai qu’il n’est point de richesses, d’honneurs,
Qui puissent égaler la somme des malheurs ?
Ah ! loin de désirer les dignités funestes
De celui dont le peuple outrage ainsi les restes,
Va plutôt, dans les murs de quelque humble cité,
Sous un lambeau de toge, édile respecté,
De l’avide marchand soumis à tes sentences,
Confisquer les faux poids ou briser les balances.
Il faut donc l’avouer, Séjan dans la grandeur
A méconnu les biens qui font le vrai bonheur,
Et, lorsqu’il entassait, titres, gloire, puissance,
L’insensé, dans l’éclat de sa vaine opulence,
Ne faisait qu’élever une orgueilleuse tour
Qui devait de plus haut le voir tomber un jour.

Les Crassus, les Pompée, et celui que le Tibre
Vit façonner au joug le front d’un peuple libre,
Qui les a renversés ? des vœux ambitieux ;
Des vœux qu’en leur colère exaucèrent les dieux.
Peu de rois sans blessure, au terme de leur âge,
Du gendre de Cérès abordent le rivage.

Puissé-je quelque jour devenir au barreau,