Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/255

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Voilà chez le Gaulois, le Grec et le Romain,
Ce qui met aux guerriers les armes à la main.
Ce n’est point la vertu, c’est la gloire qu’on aime.
Quel homme fait le bien, pour le bien en lui-même ?
Cependant, si l’on voit, par quelques forcenés,
Les peuples à grands pas vers leur chute entraînés,
Qui produit tous ces maux ? n’est-ce pas cette gloire,
Ce fastueux éclat dont brille la victoire,
Ces titres attachés aux cendres d’un cercueil ?
Mortels ambitieux, qu’aveugle votre orgueil,
Que faut-il pour briser ce monument superbe ?
Un stérile figuier sorti du sein de l’herbe ;
Car enfin rien n’échappe à la rigueur du sort,
Et le tombeau lui-même est sujet à la mort.

Soulève d’Annibal la dépouille funèbre :
Combien pèse aujourd’hui ce conquérant célèbre ?
Le voilà donc celui dont l’orgueil effréné,
Loin des cieux africaine follement entraîné,
Ne peut se renfermer dans l’immense rivage
Qui joint les bords du Nil aux remparts de Carthage !
Non content de régner sur ces âpres déserts,
A l’Hispanie encore il veut donner des fers :
Elle est soumise. Il part, franchit les Pyrénées,
Parvient jusqu’au sommet des Alpes étonnées ;
Leurs neiges, leurs frimas le repoussent en vain ;
Dans leurs flancs calcinés il entrouvre un chemin ;
Déjà sous son pouvoir l’Italie est rangée ;
Eh bien ! Carthage encor n’est point assez vengée.
Marchons, dit-il, courons à de nouveaux hasards ;
Bien n’est fait si de Rome écrasant les remparts,
Sur les débris fumants de cette ville altière,
Je ne vais dans Suburre arborer ma bannière.
Le voyez-vous porté sur un fier éléphant,
Jusqu’au pied de nos murs s’avancer triomphant ?
Quel tableau ! mais, ô gloire ! il succombe, il s’exile,