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AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

comme étant, dans le fond, réductible au physique et le physique au géométrique ; et c’est là, sans doute, le matérialisme le plus conséquent et le plus complet. Mais c’est toujours être matérialiste, quoique peut-être sans s’en rendre un compte assez exact, que d’expliquer la pensée par une propriété de la matière, que d’en faire, à quelque titre que ce soit, une fonction du corps. M. Littré, du reste, a mis une préface au livre que M. Leblais a publié en 1865 sous ce titre : Matérialisme et spiritualisme, étude de philosophie positive. L’auteur du livre dit : « Nous nous déclarons franchement matérialiste ; » et l’auteur de la préface ajoute qu’il veut, en quelques pages, « soutenir ce que le livre soutient, combattre ce que le livre combat ».


VIII

Le positivisme trouva encore plus de faveur en Angleterre qu’en France ; il y fut porté principalement par M. George Lewes. M. Stuart Mill en adopta les principes, et on les retrouve dans les écrits de M. Bain, de M. Bailey, de M. Herbert Spencer. Dans une lettre à M. Stuart Mill, du 4 mars 1842, Auguste Comte exprimait l’espérance que sa philosophie serait mieux accueillie en Angleterre qu’elle ne l’avait été jusqu’alors en France ; il trouvait, disait-il, chez les penseurs anglais plus de « positivité » que chez ses compatriotes. Et souvent, en effet, des philosophes modernes de la Grande-Bretagne ont exprimé des idées fort voisines de celles qui sont le plus familières au positivisme. Sans remonter à Bacon et à Locke, Bentham en est tout près. Macaulay a dit : « La gloire de la philosophie moderne consiste en ce qu’elle vise à l’utile et évite les idées. » — « Les philosophes anglais, dit M. Bailey en les comparant aux philosophes allemands, sont généralement disposés à conformer leurs investigations aux méthodes employées par les recherches phy-