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LA PHILOSOPHIE EN FRANCE

siques : s’ils ne sont pas encore parvenus à de bien grands résultais, cela s’explique, soit par les préjugés traditionnels avec lesquels ils abordaient le sujet, soit parce que peut-être ils n’ont pas vu clairement comment il faudrait suivre la ligne d’investigation inductive qui leur était indiquée par la science physique : ils ont du moins généralement senti la nécessité de parler simplement (plainly) à l’intelligence pratique de leur auditoire. De là beaucoup de bon sens sinon de pensée précise, et, comparativement, peu de mysticisme. »

« Le mysticisme, dit M. Stuart Mill dans un passage de son Système de logique que rapporte le même M. Bailey, le mysticisme, soit dans les Védas, soit chez les platoniciens, soit chez les hégéliens, consiste à attribuer l’existence objective aux créations subjectives de l’esprit, aux pures idées de l’intellect. »

Comme on le voit, MM. Mill et Bailey ne reconnaissent pour une saine philosophie que celle de ces « fils de la terre, comme parle Platon, qui ne veulent tenir pour existant que ce qu’ils voient de leurs yeux et touchent de leurs mains ». Il est vrai de dire qu’ils semblent ne connaître, en dehors de la philosophie des sens, que celle qui prend pour des réalités des « créations subjectives de l’esprit », et ignorer celle que fonda le « positif » Aristote, que développèrent Descartes et Leibniz, et qui prend pour principe, non les créations de l’esprit, mais bien l’esprit lui-même, dans la plus immédiate et la plus positive des expériences.

MM. Bain, Bailey, Stuart Mill, Spencer, ont cherché à construire une psychologie et une logique positives.

Pour ces philosophes, construire une psychologie positive, c’est, renonçant à la recherche de ces prétendues facultés ou puissances d’où procéderaient les sentiments et les idées, se borner aux sentiments et idées mêmes ; c’est se borner avec Hume à déterminer, ainsi que les physiciens le font pour