Page:Raymond Vuigner - Comment exploiter un domaine agricole.djvu/591

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Ce serait dur pour le client, mais les faits sont là, et il faut que l’agriculteur vive, surtout lorsque aucun autre produit de sa ferme, à l’exception peut-être du blé, ne vient le dédommager d’une perte très réelle. Il ne suffit pas de parler de solidarité, il faut encore pratiquer cette vertu, et pour cela tenir compte d-e la situation où les circonstances adverses peuvent mettre tour à tour chacun d’entre nous ; nous acceptons bien de payer le vin plus cher les années où il n’y en a pas, pourquoi n’en serait-il pas de même du lait ? Le vin, dira-t-on, dans les années d’abondance se vend à des prix de famine pour le vigneron, tandis que le lait pris à la ferme pour la consommation des petites villes et de la campagne, n’est jamais tombé plus bas que 0 fr. 15 ou 0 fr. 20 le litre ; la compensation, légitime pour le vin, ne l’est donc pas pour le lait. À quoi je répondrai que si le lait ne s’est jamais vendu au-dessous des prix ci-dessus à la clientèle directe (encore que l’intermédiaire l’ait souvent payé des prix beaucoup plus bas), cela tient à ce que ces prix constituent des minimums au-dessous desquels le cultivateur, déjà hésitant, renoncerait dans une mesure plus large encore à une production qu’il ne délaisse que trop.

Il faut distinguer entre le producteur malheureux et le revendeur qui serait tenté de pratiquer une sorte d’accaparement por se rendre maître du marché et imposer des cours exorbitants ; ces dernières pratiques, si elles se produisaient, devraient être, réprimées, comme on l’a fait dans certaines villes, en interdisant les achats en gros avant une heure fixée par arrêté muncipal, et donnant à la petite clientèle le temps nécessaire pour s’approvisionner. Sur ces questions, M. Zolla, par exemple, ne manquerait pas de nous dire bien des choses intéressantes ; mon rôle est plus terre à terre, il lui appartenait de rechercher comment l’agriculteur, par une bonne administration du domaine rural qui lui est confié, peut, à force d’intelligence de patience, de travail et d’énergie, conjurer jusqu’à un certain point l’influence néfaste des intempéries et tirer du sol il juste récompense d’une des plus nobles professions qui se luissent rencontrer. Je voudrais avoir rempli partie au moins de cette mission, car je suis resté très attaché à mon ancien métier et à ceux qui continuent à s’y adonner.