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des deux Indes.

dans les forêts & ſur les arbres. Lorſqu’ils ont faim, ils hurlent comme des bêtes, pour exciter la commiséſation des paſſans. Alors les plus charitables des Indiens vont dépoſer du riz ou quelque autre aliment, & ſe retirent au plus vite, pour que le malheureux affamé vienne le prendre, ſans rencontrer ſon bienfaiteur, qui ſe croiroit ſouillé par ſon approche.

Cet excès d’aviliſſement où l’on voit plongée une partie conſidérable d’une nation nombreuſe, a toujours paru une énigme inexplicable. Les eſprits les plus clairvoyans n’ont jamais démêlé comment des peuples humains & ſenſibles avoient pu réduire leurs propres frères à une condition ſi abjecte. Oſerons-nous haſarder une conjecture ? Des tourmens horribles ou une mort honteuſe ſont, dans nos gouvernemens à demi-barbares, le partage des ſcélérats qui ont, plus ou moins, troublé l’ordre de la ſociété. Ne ſe pourroit-il pas que dans le doux climat de l’Inde, des loix modérées ſe fuſſent bornées à exclure de leurs caſtes tous les malfaiteurs ? Ce châtiment devoit paroître ſuffiſant pour arrêter les crimes ; & il étoit certainement le plus con-