Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v1.djvu/139

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cipalement pouſſées par la crainte de laiſſer une mémoire odieuſe, & de couvrir d’opprobre leurs enfans, qu’elles chériſſent avec une tendreſſe que nos cœurs glacés n’ont jamais éprouvée.

Heureuſement ces horribles ſcènes deviennent tous les jours plus rares. Jamais les Européens ne les ſouffrent ſur le territoire où ils dominent. Quelques princes Maures les ont également proſcrites dans leurs provinces. Ceux d’entre eux à qui la ſoif de l’or les fait tolérer encore, en mettent la permiſſion à un ſi haut prix, qu’on y peut rarement atteindre. Mais cette difficulté-là même rend quelquefois les déſirs plus vifs. On a vu des femmes ſe vouer long-tems aux travaux les plus humilians & les plus rudes, afin de gagner les ſommes exigées pour cet extravagant ſuicide.

La veuve d’un bramine, jeune, belle & intéreſſante, vouloit renouveler ces tragédies à Surate. On ſe refuſoit à ſes ſollicitations. Cette femme indignée prit des charbons ardens dans ſes mains, & paroiſſant ſupérieure à la douleur, elle dit d’un ton ferme au Nabab : Ne conſidère pas ſeulement