Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v1.djvu/169

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
des deux Indes.
147

les richeſſes prodigieuſes qu’un commerce excluſif leur aſſuroit preſque ſans efforts & ſans vigilance, les Grecs s’abandonnèrent à cette vie oiſive & molle qu’amène le luxe ; aux frivoles jouiſſances des arts brillans & voluptueux, aux vaines diſcuſſions d’un jargon ſophiſtique ſur les matières de goût, de ſentiment, & même de religion & de politique. Ils ne ſavoient que ſe laiſſer opprimer, & non ſe faire gouverner ; careſſer tour-à-tour la tyrannie par une lâche adulation, ou l’irriter par une molle réſiſtance. Quand les empereurs eurent acheté ce peuple, ils le vendirent à tous les monopoleurs qui voulurent s’enrichir des ruines de l’état. Le gouvernement, toujours plutôt corrompu que les citoyens, laiſſa tomber ſa marine, & ne compta plus, pour ſa défenſe, que ſur les traités qu’il faiſoit avec les étrangers, dont les vaiſſeaux rempliſſoient ſes ports. Les Italiens s’étoient inſenſiblement emparés de la navigation de tranſport, que les Grecs avoient long-tems retenue dans leurs mains. Cette branche d’induſtrie, plus active encore que lucrative, étoit doublement utile à une nation commerçante, dont