Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v5.djvu/312

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Monde comme ils les avoient amaſſés, dans le ſang & les ſupplices.

Au milieu de tant d’horreurs, le féroce Morgan devint amoureux. Son caractère n’étoit pas propre à inſpirer de tendres déſirs. Il voulut triompher, par la violence, de la belle Eſpagnole qui tourmentoit ſon cœur farouche. Arrête, lui cria-t-elle, en s’arrachant de ſes bras avec précipitation, arrête. Crois-tu me ravir l’honneur, comme tu m’as ôté les biens & la liberté ? Apprends que je puis mourir, & me venger. À ces mots, elle tire de deſſous ſa robe un poignard qu’elle lui auroit plongé dans le cœur, s’il n’eût évité le coup.

Cependant, toujours brûlant d’une paſſion que cette opiniâtre réſiſtance avoit changée en rage, aux ſoins employés pour gagner cette captive, il fit ſuccéder des traitemens barbares. Mais l’Eſpagnole inébranlable irritoit & repouſſoit toutes les fureurs de Morgan, lorſque les pirates témoignant leur indignation de ſe voir retenus un mois entier dans l’inaction par un caprice qu’ils trouvoient extravagant, il fallut céder à leurs murmures. Panama fut brûlé. On ſe mit en