Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v5.djvu/319

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de les voir arriver diſperſoit les peuples. Amollis par le luxe le plus extravagant, énervés par l’exercice paiſible de la tyrannie, abrutis comme leurs eſclaves, les Eſpagnols n’attendoient pas l’ennemi, ſans être vingt contre un, & encore étoient-ils battus. Rien en eux ne portoit l’empreinte de la fierté, de la nobleſſe de leur origine. Leur abrutiſſement étoit tel que l’art de la guerre leur étoit étranger, qu’ils connoiſſoient à peine les armes à feu. On ne les trouvoit que peu ſupérieurs aux Américains dont ils fouloient la cendre. Cette étrange dégradation étoit augmentée par l’idée qu’ils s’étoient formée des hommes féroces qui les attaquoient. Leurs moines leur avoient peint ces brigands avec les traits hideux qu’on donne aux monſtres de l’enfer ; & eux-mêmes ils avoient chargé le tableau. Ce portrait d’une imagination effarouchée, imprimoit dans toutes les âmes la haine avec la terreur.

Malgré l’excès de ſon reſſentiment, l’Eſpagnol ne ſavoit ſe venger que d’un ennemi qui n’étoit plus à craindre. Auſſi-tôt que les Flibuſtiers étoient partis d’un endroit qu’ils avoient pillé, ſi quelqu’un d’eux avoit péri