Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v6.djvu/178

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ont enlevé nos frères. Les Européens qui ont ravi nos concitoyens ſont des barbares, répond l’hôte généreux ; tuez-les quand vous les trouverez. Mais celui qui loge chez moi eſt un être bon, il eſt mon ami ; ma maiſon lui ſert de fort ; je ſuis ſon ſoldat, & je le défendrai. Avant d’arriver à lui, vous marcherez ſur moi. Ô mes amis ! quel homme juſte voudroit entrer chez moi, ſi j’avois ſouffert que mon habitation fût ſouillée du ſang d’un innocent ? Ce diſcours calma le courroux des noirs ; ils ſe retirèrent tout honteux du deſſein qui les avoit conduits ; & quelques jours après, ils témoignèrent à Murrai lui-même, combien ils ſe trouvoient heureux de n’avoir pas conſommé un crime, qui leur auroit causé d’éternels remords.

Cet événement doit faire préſumer que les premières impreſſions que reçoivent les Africains dans le Nouveau-Monde, les déterminent vers des bonnes ou mauvaiſes qualités. Des expériences répétées ne permettent pas d’en douter. Ceux qui tombent en partage à un maître humain, embraſſent d’eux-mêmes ſes intérêts. Ils prennent inſenſiblement l’eſprit, les affections de

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