Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v7.djvu/348

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que le peuple ſe renouvellant ſans ceſſe dans ces iſles éloignées, par l’inſtabilité que le commerce y donne aux richeſſes, cette fermentation y jette beaucoup d’écume ; & qu’on n’y verra que bien tard aſſez de mœurs & de lumières pour y faire naître cet eſprit de patrie & ce ton de gravité qui ſoutiennent dignement le poids des affaires & les intérêts d’une nation. Cette objection ſembleroit fondée, ſi l’on ne conſultoit que le caractère des Européens, pouſſés en Amérique par leurs beſoins ou par leurs vices ; devenus par ces tranſplantations volontaires ou forcées, étrangers par-tout ; ordinairement corrompus par le défaut de loix que remplace mal une police arbitraire, par ce goût dépravé de domination qui réſulte de l’abus de l’eſclavage, par l’éclat d’une grande fortune qui leur fait oublier leur première obſcurité. Mais cette claſſe d’hommes expatriés ne devroit point avoir d’influence dans une adminiſtration qu’on laiſſeroit aux propriétaires, nés la plupart dans les colonies : puiſque la juſtice ſuit naturellement la propriété, & que perſonne n’a plus d’intérêt & de droit au bon gouvernement d’un pays que ceux à qui la naiſſance y donne de plus grandes