Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v7.djvu/451

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C’étoit, en 1756, une opinion généralement reçue, que la Jamaïque étoit dans le plus grand état de proſpérité où elle pût atteindre. Une iſle occupée depuis un ſiècle par un peuple actif & éclairé. Une iſle où la piraterie & un commerce frauduleux avoient versé ſans interruption les tréſors du Mexique & du Pérou. Une iſle à laquelle aucun moyen d’exploitation n’avoit jamais manqué. Une iſle dont les parages sûrs & les rades excellentes n’avoient ceſſé d’appeler les navigateurs. Une iſle qui avoit toujours vu ſes productions recherchées par l’Europe entière : un tel établiſſement devoit paroître, même aux eſprits les plus réfléchis, avoir fait tous les progrès dont la nature l’avoit rendu ſuſceptible.

La guerre, qui rendra cette époque à jamais célèbre, diſſipa une illuſion ſi raiſonnable. Un fléau, qui quelquefois bouleverſe les états & toujours les épuiſe, fut une ſource de fortune pour la Jamaïque. Les négocians Anglois, enrichis des dépouilles d’un ennemi, par-tout vaincu, par-tout fugitif, ſe trouvèrent en état de faire de groſſes avances & de longs crédits aux cultivateurs.