Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v7.djvu/47

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dional. Les Caraïbes ſeuls, que leur nombre & leur courage rendoient les plus inquiets, ſe diſtinguoient par un uſage remarquable dans le choix de leurs chefs. Il falloit avoir pour conduire un tel peuple, plus de vigueur, d’intrépidité, de lumières que perſonne, & montrer ces qualités par des épreuves ſenſibles & publiques.

L’homme qui ſe deſtinoit à marcher le premier devant des hommes, devoit connoître d’avance tous les lieux propres à la chaſſe, à la pêche, toutes les fontaines & toutes les routes. Il ſoutenoit d’abord des jeûnes longs & rigoureux. On lui faiſoit porter enſuite des fardeaux d’une peſanteur énorme. Il paſſoit la plupart des nuits en ſentinelle, à l’entrée du carbet. On l’enterroit juſqu’à la ceinture dans une fourmilière, où il reſtoit exposé un tems conſidérable à des piqûres vives & ſanglantes. S’il montroit dans toutes ces ſituations, une force de corps & d’âme à l’épreuve des dangers & des fléaux où la nature expoſe la vie des ſauvages ; s’il étoit l’homme qui devoit tout endurer & ne rien craindre, les ſuffrages s’arrêtoient ſur lui. Cependant, comme s’il eût ſenti ce qu’impoſe l’honneur