Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v7.djvu/62

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peupler d’hommes libres, ces contrées fertiles & déſertes. Mais le génie, ſur-tout le génie impatient de jouir, ne prévoit pas tout. On s’égara, parce qu’on crut que des Européens ſoutiendroient ſous la Zone Torride les fatigues qu’exige le défrichement des terres ; que des hommes qui ne s’expatrioient que dans l’eſpérance d’un meilleur ſort, s’accoutumeroient à la ſubſiſtance précaire d’une vie ſauvage, dans un climat moins ſain que celui qu’ils quittoient.

Ce mauvais ſyſtême, où le gouvernement ſe laiſſa entraîner par des hommes audacieux que leur préſomption égaroit, ou qui ſacrifioient la fortune, publique à leurs intérêts particuliers, fut auſſi follement exécuté qu’il avoit été légèrement adopté. Tout y fut combiné ſans principe de légiſlation, ſans intelligence des rapports que la nature a mis entre les terres & les hommes. Ceux-ci furent diſtribués en deux claſſes, l’une de propriétaires, & l’autre de mercenaires. On ne vit pas que cette diſtribution, qui ſe trouve établie en Europe, & preſque chez toutes les nations civilisées, eſt l’ouvrage de la guerre, des révolutions & des haſards