Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/30

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proviſions pour reſter dans la Floride ; ſoit qu’il prévît qu’il ne lui viendroit aucun ſecours de France ; ſoit qu’il crût que l’amitié des ſauvages finiroit avec les moyens de l’acheter, ou qu’il pensât que les Eſpagnols viendroient l’accabler ; il fît fauter les forts qu’il avoit conquis, & reprit la route de ſa patrie. Il y fut reçu de tous les citoyens avec l’admiration qui lui étoit due, & très-mal par la cour. Deſpote & ſuperſtitieuſe, elle avoit trop à craindre de la vertu.

Depuis 1567, que l’intrépide Gaſcon avoit évacué la Floride, les François oublièrent le Nouveau-Monde. Égarés dans un chaos de dogmes inconcevables, ils perdirent la raiſon & l’humanité. Le peuple le plus doux & le plus ſociable devint le plus barbare, le plus ſanguinaire des peuples. Ce n’étoit pas aſſez des bûchers & des échafauds : criminels les uns aux yeux des autres, tous furent bourreaux, tous furent victimes. Après s’être condamnés mutuellement aux flammes de l’enfer, ils s’égorgèrent à la voix de leurs prêtres, qui ne crioient que ſang & que vengeance. Enfin,