Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/379

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& les défend contre la rigueur du froid. Les hommes, les oiſeaux, les quadrupèdes & les poiſſons du Nord, ſont tous pourvus par la nature d’une graiſſe qui ſemble empêcher leurs muſcles de ſe geler, leur ſang de ſe figer. Tout eſt huileux ou gommé, dans ces terres arctiques. Les arbres même y ſont réſineux.

Cependant les Eſkimaux ont deux grands fléaux à craindre ; la perte de la vue, & le ſcorbut. La continuité de la neige, la réverbération des rayons du ſoleil ſur la glace, éblouiſſent tellement leurs yeux, qu’ils ſont obligés de porter preſque toujours des gardes-vue faits de deux planches minces, où l’on pratique avec une arête de poiſſon deux petites ouvertures au paſſage de la lumière. Ces peuples, environnés d’une longue nuit de ſix mois, voient obliquement l’aſtre du jour. Encore ne ſemble-t-il les éclairer que pour les aveugler. Le plus doux préſent de la nature, la lumière, eſt pour eux un don funeſte. La plupart en ſont privés de bonne-heure.

Un mal plus cruel encore, les conſume lentement. Le ſcorbut s’attache à leur ſang, en altère, en épaiſſit, en appauvrit la maſſe.