Page:Raynaud - À l’ombre de mes dieux, 1924.djvu/63

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Les platanes rouillés fléchissent. L’avenue
Épouse la laideur triste de ses maisons.
Dernier foyer vivant de la ville abattue,
Plein de scorie humaine, à l’angle de la rue,
Un bouge asphyxiant secrète ses poisons.

Comme le crime obsède une âme criminelle,
Comme un phare s’obstine à déclancher son jour,
Un fantôme revient sans cesse au carrefour,
Veilleur halluciné, tragique sentinelle,
On le voit naître et disparaître tour à tour.

La nuit se fait. La ville est rendue au silence,
Mais le silence est plein de chuchotements noirs.
Un sourire embusqué vous aspire aux couloirs,
Et, d’un rouge mystère attestant la présence,
De poignantes lueurs traversent les trottoirs.

Autour de la caserne au relent chaud de grange
La Prostitution dresse son gîte impur
Et le passant s’émeut lorsque furtif, au mur,
S’entrebâille sur lui, pour une invite étrange,
Un volet, que jamais n’a visité l’Azur.