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À Élie Reclus.


Sans date, campagne près de la Nouvelle-Orléans

Homme, et toi femme,

C’est bien puisque vous le voulez, mais ce serait bien aussi si vous vouliez autre chose. Pour ma part, je suis très décidé, et, à moins qu’un coup de tonnerre m’écrase, d’ici au mois de mars, je me mets en route pour Santafé. Dana quelques jours même, je vais courir tous les hôtels et tous les bordels de la Nouvelle-Orléans pour y trouver un professeur qui consente à endosser le carcan et à manger des piastres à ma place. J’ai mes raisons pour filer. Ces raisons là sont folles, cela va sans dire, et c’est justement pour cela que je les aime, car elles sont bien à moi, et ce n’est pas dans la « Science du bonhomme Richard » que je les ai puisées. D’abord je suis las de manger et de boire, de dormir dans un lit et de frapper sur un gousset rempli, voire même de regarder l’heure sur une montre authentique (proh pudor !) J’ai besoin de crever quelque peu de faim, de dormir sur les cailloux et de vendre ma montre (souvenir d’éternelle amitié) pour un morceau de singe