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À Élie Reclus.


Riohacha, 1er juin 1857.
Amis, Lina, Grimard, Élie, Noémi.

Si j’avais quelques petits sous pour traverser le grand fossé dès aujourd’hui, j’irais à bord du navire le Dyson, qui se balance doucement dans la rade et, bientôt, j’aurais la joie de vous voir de mes yeux et de vous toucher comme saint Thomas de biblique mémoire touchait son Christ. Mais je n’ai rien que des dettes. Et voilà pourquoi, dans mes longues, longues journées, je tâche de me persuader que Riohacha est un séjour délicieux, que le soleil est une belle chose et que je suis l’homme le plus heureux du monde de pouvoir absorber des rayons de chaleur par tous les pores, étendu sur le sable, comme un crocodile. Je suis souvent bien triste en pensant à vous, mes très bons, mes très grands, et je déplore que les années de jeunesse que je pourrais si bien employer à vous aimer se passent dans une solitude égoïste. Mais l’inexorable bourse le veut ainsi : 300 francs nous séparent ; c’est comme