Page:Reclus - Correspondance, tome 1.djvu/228

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de ceux qui visitaient Gênes et les autres villes de l’Italie devaient être bien différentes lorsque toutes ces cités étaient d’ignobles mendiantes ou de honteuses prostituées. Le contraste offert par l’ancienne grandeur et par la dégradation présente devait produire une sensation d’amertume et de tristesse. Maintenant il n’en est pas ainsi. La morte est ressuscitée et sa nouvelle vie vaudra mieux que la première. Si je visite jamais Rome, je désire pouvoir le faire quand elle aussi sera libre et vivante ; je ne tiens pas à voir des ruines et des fumiers sur lesquels un ignoble cancéreux gratte ses ulcères avec les têts du pot de Saint-Pierre.

J’ai vivement regretté de ne point voir d’amis politiques à Gênes. À la poste, je n’ai point trouvé de lettres de Dall’Ongaro et déjà il était trop tard pour que je lui en demandasse. Je voyais donc des yeux brillants, j’entendais çà et là des paroles énergiques ; mais je devais passer à côté des braves gens comme un vulgaire étranger. Du moins en allant porter une souscription pour la Pologne aux bureaux du Moviemento ai-je eu la satisfaction de voir que ces bureaux étaient installés dans un des plus magnifiques palais de Gênes : Ça m’a fait un sensible plaisir de voir mes amis aussi bien logés.

Ne pouvant aller visiter les républicains amis, j’ai fait acte de superstition et j’ai rendu visite au Rocher de Quarto. C’est au pied de ce rocher que les Mille se sont embarqués pour Marsala. Maintenant un petit obélisque en marbre s’élève sur ce rocher et de temps en temps les Génois viennent en pèlerinage s’installer sur les escarpements voisins pour faire des discours et chanter des hymnes à la liberté. J’ai regardé cette colonne et je me suis senti plus fier d’être républicain