Page:Reclus - Correspondance, tome 1.djvu/229

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que je ne le suis d’être Français en regardant la colonne Vendôme.

Tu sais que j’avais une lettre pour un vieux général géographe, qui demeure aux environs de Gênes, à Nervi. J’ai été le voir la veille de mon départ. C’est un bon vieux à cheveux blancs qui m’a reçu à bras ouverts, au nom de la science. Mais à peine les premières félicitations sont-elles échangées qu’il s’écrie : « Ah ça, aimez-vous les prêtres ? — Non, je les abhorre ! » Nouvelles félicitations, nouvelles embrassades. Puis il me demande des nouvelles de tous ses amis de Paris. « Celui-là aime-t-il les prêtres ? Mangerait-il du curé ? » Dans le courant de la conversation, le brave vieillard me dit tout simplement : « J’ai donné mon unique fils à Garibaldi, et il est mort à la bataille de Vulturne. » Et la vieille mère, qui était présente, opina gravement de la tête. Elle aussi avait donné son fils.

Un salut d’amour, chère sœur, j’aurais à te parler longuement encore ; mais je ne vois pas pourquoi je finirais et la lettre ne partirait pas. Salut donc à toi, aux amis, aux chers enfants.

Ton Élisée.