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FRANCE.

droite des monticules pierreux, de pâles oliviers courbés par la bise des Cévennes, et, au-dessus de ce paysage déjà méditerranéen (si près qu’il soit des herbes mouillées de la Montagne Noire), une longue et fauve paroi, le mont d’Alaric, haut de 600 mètres. C’est là le dernier bastion des Corbières, mais l’Aude inférieure n’a pas toujours existé. Ce qui, du mont d’Alaric aux monts de Saint-Chinian, est de nos jours un vide immense avec air, vents et soleil, fut autrefois un immense bloc, roc, terre et métal. Alors les Pyrénées tenaient aux Cévennes. Derrière ce grand barrage, le torrent qui est maintenant l’Aude refluait en lac dans la plaine carcassonnaise, puis courait sans doute vers l’Atlantique : il passait alors soit par la dépression que suit la rigole de la Plaine entre le Sor et le Fresquel, soit par tel ou tel col de ce terreux Lauraguais où s’ouvre aujourd’hui, par 189 mètres, le passage le plus bas entre l’Océan et la Méditerranée.


Dans les Pyrénées-Orientales, le Puy-de-Carlitte (2 921 mètres) regarde ses propres ruines, sur un plateau trop élevé pour que la nature les pare avec luxuriance ; il domine un royaume vide et froid, des blocs de granit, des éboulis, l’herbe rare, la mousse et des lacs sans sourire : l’un d’eux, le plus vaste des Pyrénées de France, le Lanoux ou lac Noir, long de 3 000 mètres, large de 500, à 2 154 d’altitude, est glacé pendant neuf mois de l’année ; il n’attend qu’un canal pour arroser les plaines de la Cerdagne française. Il émet la Sègre de Quérol, branche de la Sègre, cette grande rivière espagnole qui fait plus que doubler l’Èbre inférieur. La Têt et l’Aude, fleuves français, et des affluents de l’Ariège naissent également sur les granits du plateau de Carlitte, qui est un grand château d’eau de la chaîne hispano-française. Le Pedrous a 2 831 mètres. Le Puigmal, mont massif et de peu d’harmonie, a 2 909 mètres : dans la dépression qui le sépare du plateau de Carlitte, à 1 622 mètres au-dessus des mers, au col de la Perche, entaille