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l’homme et la terre. — contre-révolution

répartis à leur détriment, et des vexations de toute nature qu’ils avaient sans cesse à subir comme un peuple conquis. D’autre part, le clergé, tout-puissant dans les Flandres depuis l’époque terrible de la domination espagnole, avait entraîné ses dociles paroissiens dans un mouvement de haine intransigeante contre le régime hollandais où prévalaient les traditions calvinistes. L’alliance s’était faite en Belgique entre libéraux et cléricaux contre l’ennemi commun, et de cette alliance naquit un nouveau petit État qui, dès son premier jour, dut proclamer sa neutralité et se placer sous la protection bienveillante des puissances européennes ; à l’union forcée avec la Hollande succéda un mariage de raison entre la Wallonie et la Flandre, associées également malgré elles. La véritable sympathie a la fière liberté pour point de départ : elle ne se forme que dans les associations franches et spontanées.

Le soulèvement de la Pologne, qui se produisit aussi à la fin de 1830, n’aboutit pas comme la révolution de Belgique, mais il fut peut-être plus gros de conséquences, et le drame en fut bien autrement tragique dans l’histoire des nations. Tout d’abord, les troupes russes furent obligées d’évacuer la contrée et l’armée polonaise, sortie de terre pour ainsi dire, se trouva bientôt assez forte pour soutenir le choc des masses d’hommes formidables lancées contre elle. La lutte commencée durant le froid hiver dans les âpres forêts, les campagnes neigeuses, puis dans les boues du printemps, le long des fleuves débordés, se poursuivit pendant près d’une année, et souvent des batailles heureuses interrompirent la marche des envahisseurs. Mais la partie était trop inégale et, le 8 septembre 1831, la cité de Varsovie fut obligée de se rendre, livrée à toutes les horreurs d’un massacre dont l’histoire parlera toujours. Bientôt après, les débris des bataillons polonais étaient refoulés sur les territoires de l’Autriche et de la Prusse. Des milliers de fugitifs allèrent demander asile à l’étranger, notamment en France où se continuèrent les inconciliables dissensions nationales entre le parti du prétendu « roi » Czartoryski et les Polonais franchement révolutionnaires, tandis que, dans la patrie vaincue, la fraction intelligente et consciente de la nation restait écrasée sous un régime effroyable de violences et d’injustices.

Les petites révolutions qui éclatèrent sur plusieurs points de l’Italie du nord furent également réprimées. Là, Metternich, qui était le grand inspirateur de la contre-révolution européenne, put intervenir directe-