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l’homme et la terre. — internationales

ayant une superficie de plusieurs milliers de kilomètres carrés ont déjà leur maître officiel, d’après l’almanach de Gotha, mais n’ont été encore parcourus par aucun voyageur. Au point de vue de la conquête, il importe peu, car il n’est pas douteux que la force d’attaque militaire que possèdent les États européens soit assez grande pour triompher de peuplades sans discipline ni stratégie. Il suffit que tel ou tel pays soit attribué par convention diplomatique à la Grande Bretagne, à la France ou à l’Allemagne pour que cette puissance choisisse patiemment son heure d’occupation générale ou partielle et de mise en exploitation commerciale. Actuellement le continent africain peut être considéré comme n’étant plus qu’une simple dépendance économique de l’Europe. Il est loisible d’affirmer qu’avec leur force réelle, d’une si absurde supériorité, et leur prestige triomphant, les blancs n’eussent rencontré aucune résistance si l’occupation des diverses contrées n’avait donné lieu de leur part à des injustices et à des atrocités de toute espèce ; d’ailleurs, en maintes occasions, les guerres, les insurrections ont été voulues, parce qu’elles donnaient aux officiers l’occasion de les réprimer et d’acquérir ainsi gloire, honneurs, titres et avancement.

L’argument par excellence des politiciens ardents à découper le monde en territoires coloniaux consiste à plaider la nécessité de trouver des exutoires pour la population grandissante de l’Europe et pour la surabondance des produits manufacturés. A cet article fondamental ou ajoute, sans en croire un mot, quelques redites sur l’influence moralisatrice de la civilisation chrétienne, et la conscience est satisfaite. Il est vrai que la plupart de ces territoires annexés sous des latitudes lointaines ne conviennent point à l’acclimatement des Européens, et que d’ailleurs ceux-ci, même s’ils étaient favorisés d’un climat qui leur fût propice, n’y trouveraient pas d’occupations conformes à leur genre de vie. Ces vastes domaines ajoutés au territoire dit « colonial » ne doivent donc pas être considérés comme de véritables colonies puisqu’ils ne sont point destinés à recevoir des colons ; ils ne peuvent servir à loger les excédents de population émigrant d’Europe. Ce sont tout simplement des lieux de résidence pour quelques marchands qui cherchent à exploiter les richesses naturelles des lieux et à pourvoir aux besoins des indigènes. Mais la plupart de ces naturels, habitués à une existence des plus simples, trouvent autour d’eux, dans les produits du sol, tout ce qui leur est nécessaire ; il faut donc que les efforts des colonisateurs préten-