Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome V, Librairie universelle, 1905.djvu/425

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
419
afrique mineure

nation. Tout bien considéré, il ne semble pas que la France, comparée à ses voisines, leur cède en valeur dans sa part de travail utile.

C’est aux nations latines, et surtout à la France, qu’il faut rattacher l’Afrique mineure, c’est-à-dire la partie du continent africain que les étendues sableuses et pierreuses du Sahara, jadis au moins partiellement occupées par un bras de mer (De Lapparent), limitent sur tout le front méridional, du golfe de Gabès à l’Atlantique des Canaries. Par la continuité des terres émergées, cette « moindre Afrique », la Maurétanie, appartient bien au continent noir, mais par son architecture géologique, par la direction, la nature et les plissements de ses chaînes de montagnes (Ed. Suess), par ses plantes et sa faune, aussi bien que par ses races d’hommes autochthones, cette contrée est beaucoup plus européenne qu’africaine : elle forme un tout avec le monde méditerranéen que constituent l’Italie et ses îles, la Provence, le Languedoc, les Baléares et la péninsule Ibérique.

Cependant les événements politiques séparèrent fréquemment pendant le cours de l’histoire les deux versants de la mer intérieure : les dangers de la navigation étaient si grands avant l’époque moderne que les mouvements de colonisation étaient presque toujours empêchés ou longuement retardés et que les expéditions militaires étaient souvent compromises : il fallait alors autant de jours pour aller d’une rive à l’autre qu’il faut d’heures pendant ce siècle aux navires à marche rapide. Après l’effondrement de l’empire romain, la séparation complète s’était produite entre les populations des deux rives, et même la migration victorieuse des Arabes avait pu se faire le long de la côte septentrionale du continent sur l’énorme distance qui sépare la mer Rouge de l’Atlantique, le Sinaï des Pyrénées. Le mouvement normal du Nord au Midi, entre les deux moitiés du monde méditerranéen, ayant été interrompu, une pression secondaire de l’est à l’ouest avait pu se manifester.

Actuellement, la cohésion naturelle a pu se reconstituer, quoique d’une manière brutale, par la conquête militaire. L’Algérie, la Tunisie sont bien des colonies françaises ou plutôt des colonies sud-européennes, puisque les principaux immigrants sont des Français du Midi, des Espagnols et des Mahonnais, des Maltais et des Italiens : ceux-ci prédominent même très largement dans la Tunisie, tandis que les Espagnols l’emportent numériquement sur les Français dans l’Oranie. Toutefois,