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l’homme et la terre. — iranie

le souiller de son haleine, car, dès les origines, l’homme a compris que le souffle, puisé dans la pure atmosphère, se charge, à chaque expiration, d’un poison subtil ; pour éteindre respectueusement la flamme, il faut agiter la main suivant les rites prescrits. La braise est, sur la pierre du foyer, ce que pour l’Univers est le triomphant Soleil, présidant chaque jour à l’œuvre du travail.

Cette religion primitive de la flamme vivifiante a persisté de tous temps, pénétrant les autres religions, même celles qui sont nées de l’épouvante de la mort : il n’est pas d’église où ne brille une petite flamme qui ne doit pas s’éteindre, où des vierges, symbolisant la durée de la vie nationale par l’adoration perpétuelle, ne soient chargées d’entretenir le feu continu de la braise ou de la foudre. Mais dans les cultes confiés à la gérance des prêtres, le symbolisme a remplacé la réalité concrète, et la foi n’est plus vivante comme elle l’est encore dans les montagnes d’iranie et en maint village d’Europe, où les ménagères recouvrent soigneusement la bûche du soir, pour en retrouver, au matin, les charbons vifs, et pour en transmettre l’ardeur cachée au sarment qui pétille. De tout temps, ces ménagères furent les véritables prêtresses du feu.

Une autre religion naquit pour les ancêtres des Iraniens lorsqu’un des inventeurs de ces temps antiques imagina de fixer un pieu tranchant ou un couteau de silex à un araire primitif traîné par des bœufs domestiques, les animaux les plus respectés après le chien, qui, soit dit en passant, était déjà un ami et que l’on nommait aussitôt après les hommes libres[1].

On ne sait où se fit cette découverte de l’aération méthodique du sol fécond, mais la vénération que les Aryens orientaux des Veda professent pour le labour montre que cette pratique leur était héréditaire, et guide l’esprit du chercheur vers les plateaux desquels ils étaient descendus. D’autre part, on retrouve la connaissance de la charrue au pied du versant occidental de l’Iran, dans la Mésopotamie, à une époque datant d’au moins sept mille années. De ces contrées de la Cis-Iranie et de la Trans-Iranie initiées par un seul et même centre, la découverte du labourage se répandit sur une très grande partie de l’Ancien Monde, soit directement, soit en

  1. De Gobineau, Histoire des Perses, t. I, p. 24.