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sophe, au penseur, au savant, et peut-être même au théosophe, qui sait ? matière à spéculer et à aimer.



Le principe mystérieux d’une vocation est irréductible, comme l’amour, comme la mort.



1910, Mai. — Quelle singulière enquête : on parle de porter au Panthéon les restes de Puvis de Chavannes.

Mais, pour avoir vu rire autrefois dans la foule qui se pressait et s’amusait devant ses tableaux (le Pauvre Pêcheur et l’Espérance notamment), je ne puis en accueillir la pensée qu’avec un triste sourire.

Ce revirement de faveur ne montre-t-il pas l’éternel et fluctueux caprice de la reconnaissance des hommes ? A dire vrai, ceux qui furent indifférents le sont encore, et la démonstration contraire d’aujourd’hui doit nous cacher bien des choses et qui sont incertaines.

Je ne me range pas à ce désir, car le transfert des restes mortels d’êtres illustres ou inconnus touche péniblement ma sensibilité, et même ma pensée. Je vois, au contraire, une certaine grandeur dans le respect du lieu, humble ou fastueux où parents et amis ont pleuré devant l’être cher, là déposé, à l’heure suprême et déchirante de la mort. Ce lieu reste un signe fatal, qui ne se mesure pas à notre mesure, ni à notre justice. Il est d’un autre ordre.

On ne saurait y remédier.

Ce qui ne change pas, ce qui est vivant et présent à jamais, c’est l’action permanente d’un maître par les ouvrages qu’il a laissés. Puvis de Chavannes a sa voix toujours active au Panthéon