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dans les fresques de Sainte Geneviève. Pourquoi y ajouter des cendres, dont le silence, après tout, appartient à l’inconnu ?

La glorification et l’apothéose d’un grand homme sont dans l’hommage qu’on lui rend par l’apparente et haute place que l’on donne à ses œuvres, en son vivant ou après.

Il serait curieux de voir au Parlement le souci de s’occuper d’art autrement que pour une collectivité ! Comment ? On s’y occuperait d’un artiste, d’un poète ! Le grand imagier mural Puvis de Chavannes en vaut la peine ; il en valait la peine.



Juillet. — Pour une notice de catalogue.

Je ne m’adresse pas ici aux esprits métaphysiques, je ne m’adresse pas non plus aux pédagogues, parce qu’ils n’ont pas les yeux fixés avec constance sur les beautés de la nature ; les habitudes de leur mentalité les maintiennent trop loin des idées intermédiaires qui lient les sensations avec les pensées : leur esprit s’occupe trop d’abstractions pour qu’ils puissent partager et goûter pleinement les jouissances d’art, qui supposent toujours les rapports de l’âme avec les objets réels et extérieurs.

Je parle à ceux qui cèdent docilement, et sans le secours d’explications stériles, aux lois secrètes et mystérieuses de la sensibilité et du cœur.

L’artiste subit, au jour le jour, le rythme fatal des impulsions du monde universel qui l’entoure. Centre continuel des sensations et toujours souple, hypnotisé par les merveilles de la nature qu’il aime, qu’il scrute, ses yeux, comme son âme, sont en rapport perpétuel avec les phénomènes les plus fortuits. Il incline même à cette communion qui est douce pour lui quand il est peintre. Comment sortirait-il d’un état où il se complaît et se borne, pour pénétrer comme le savant ou l’esthéticien, dans la généralisation ? Il ne le peut : cette opération hors de soi lui est impossible.