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des éléments de la nature, fût-ce un visage humain avec le rayonnement de l’esprit, ce but y est atteint par Léonard, hautement, fortement, jusqu’au prodige.



Décembre. — A Monsieur X...

Vous seriez tout à fait aimable de me dire ce que vous entendez par ce mot Humaniste que vous employez dans une appréciation sur mes ouvrages, à l’occasion d’une exposition récente.

Tout en vous remerciant de ce que vous exprimez, à leur éloge, et dont je suis touché parce qu’il est visible que vous les aimez, je vous avoue ne rien comprendre à ce mot humanisme, là placé.

Pour vous éclairer mieux sur le désir que je vous exprime, laissez-moi vous dire qu’il est dans ma pensée que tout artiste bien né, doit, aux termes derniers de sa carrière, faire une sorte d’examen de conscience où il révise et regarde s’il a conduit à bonne fin les dons naturels qu’il avait reçus. Je suis, après un demi-siècle, à cette heure-là qui m’est douce et délicieuse. Je le déclare souvent à de jeunes artistes pour les éclairer sur ce qu’ils trouveront de bon dans la vieillesse, s’ils ont la sagesse et la probité de rester toujours eux-mêmes, c’est-à-dire de ne cultiver que la fleur de leur propre jardin, fleur unique, humble ou luxuriante, mais qui sera toujours la marque de leur maîtrise.

Je crois avoir, autrefois plus que maintenant, donné dans des dessins et des lithographies, des expressions humaines et variées ; je les ai même, par fantaisie permise, portées dans le monde de l’invraisemblable, en des êtres imaginaires que j’ai tâché de rendre logiques avec la logique de la structure des êtres visibles. Mais je sens bien qu’à leur endroit ce mot humanisme ne peut point être appliqué.

Qu’exprime-t-il donc sous votre plume ?