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J’entends humanisme à propos d’une œuvre d’art. En quelques lignes vous pouvez m’édifier.

(Cette lettre ne reçut aucune réponse.)



Comme il serait doux de vieillir, si le cours des années tarissait en nous la source des douleurs ! Mais non. Sur la pente que nous descendons, nous avons un compagnon trop fidèle : le cœur ne nous quitte pas.

Il décrit avec nous l’inverse d’une spirale, il se rapproche d’un point de plus en plus noir, qui est la fin, la fin inéluctable.

Que fera-t-il là, l’insatiable?



1912. — Il suffit de se boucher les oreilles dans une salle de concert pour se croire dans une maison de fous. Avec un sens de moins, vous assistez à une fantasmagorie incompréhensible.

Pareillement dans l’art, l’homme de génie quel qu’il soit, avec un sixième, un septième sens danse devant des sourds, parle à des muets, peint pour des aveugles, et l’effet qu’il produit est absurde.

Que ceci console l’artiste de sa condition étrange et fatale de ne paraître au milieu des autres que pour produire un éclat de rire.

Il porte la folie qui va se gagner, elle est l’avènement d’un sens nouveau qui va naître chez ceux qui le regardent et le dénigrent : accroissement de vie, même à l’insu de ceux qui ne la connaissent pas encore.

« Des fleurs presque théoriques asservissant l’aspect visuel à l’impression globale qu’a prise la pensée ». C’est peut-être vrai, sauf l’idée de théorie.