Page:Reinach - Raphaël Lévy, une erreur judiciaire sous Louis XIV, 1898.djvu/131

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chargé la nation juive, j’en produirais plusieurs autres qui ne sont pas moins à son avantage. Je me contenterai d’observer qu’on n’a rien avancé qui ne soit tiré des livres des Chrétiens, et qu’on a choisi exprès Raynaldus qui a composé son Histoire dans Rome, et a pris de la Bibliothèque vaticane la plupart des rescrits des papes en faveur des Juifs. Il est bien vrai que ce même auteur rapporte quelques histoires qui sont à leur désavantage ; mais il n’y a personne, pour peu de réflexion qu’il veuille faire, qui ne juge facilement de la fausseté de ces histoires par celles que nous venons d’exposer, d’autant que si les papes et les princes n’en eussent fait faire eux-mêmes des informations exactes, on aurait aussi bien cru les Juifs coupables de ces crimes que des autres. Si l’on voulait ajouter foi à leurs écrivains, ils se purgeraient aisément de toutes ces sortes de crimes qui n’ont jamais eu d’autre fondement que la haine qu’on portait ordinairement aux Juifs. La France n’a que trop appris, pendant la Ligue, ce que le zèle ou plutôt la fureur de la religion peut faire sur l’esprit du peuple et même sur celui des chefs.

· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · Saepius olim
Religio peperit scelerosa atque impia facta.

C’est ce qui a obligé plusieurs princes d’appuyer les Juifs contre la calomnie des esprits populaires ; comme ont fait Jean Galéas et Sfortia, ducs de Milan, Pierre de Moncenigo, duc de Venise, et les Empereurs Frédéric III, Charles V et Maximilien III, se conformant en cela aux souverains pontifes. Si l’on recherchait dans les greffes les actes des procès qui ont été faits aux Juifs, on y trouverait un grand nombre de sentences en leur faveur. À Vérone, en l’an 1603, un Juif nommé Joseph fut accusé