Page:Reinach - Raphaël Lévy, une erreur judiciaire sous Louis XIV, 1898.djvu/133

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très grande constance en invoquant le saint nom de Dieu. Et quand même il serait vrai que les Juifs attribueraient quelque vertu aux paroles, pourrait-on les blâmer avec justice de l’usage si saint qu’ils en font, ne les prononçant que dans l’esprit de Dieu, dans lequel ils mettent toute leur confiance ? Origène, le plus éclairé de tous les Chrétiens sur cette matière, n’a-t-il pas reconnu cette vertu propre aux mots hébreux ? Mais ce qu’il y a de plus surprenant, c’est qu’on a voulu attribuer à la magie ce qui est commandé aux Juifs au chapitre XIII de l’Exode et au chapitre VI du Deutéronome : où il leur est ordonné d’avoir les préceptes de la loi attachés à leur bras et devant leurs yeux, ce qu’ils observent très exactement lorsqu’ils prient avec leurs tephillim ou phylactères, dont il est parlé dans les évangiles des Chrétiens. Jésus-Christ même, étant Juif, s’est servi de ces phylactères que les rabbins appellent tephillim, comme qui dirait precatoria. Au reste, les chrétiens ne devraient pas être si faciles à accuser les Juifs de magie, sachant que c’est un de ces crimes dont on a accusé leurs premiers martyrs. Notre siècle ne voit plus tant de magiciens qu’on en voyait autrefois.

L’auteur du libelle, dans le dessein qu’il a de rendre les Juifs odieux à tout le monde, passe de leurs personnes à leurs livres ; il cite, page 86, l’ordonnance de saint Louis qui fit brûler leur Talmud. Il est vrai que les princes et les papes ont fait brûler plusieurs fois les livres des Juifs ; mais il faut observer que cela est arrivé dans des temps d’ignorance, lorsque les Chrétiens n’en avaient autre connaissance que celle que leur donnèrent ceux qui avaient quitté le judaïsme, et qui, pour être mieux reçus des Chrétiens, ont supposé plusieurs choses. Le procès qui fut, sous Léon X, entre Pheferkorn,